La grande oubliée: La grippe espagnole

L’histoire du XXe siècle est fascinante à plusieurs égards. La période a été marquée par les deux seules guerres mondiales, l’arrivée du nucléaire, la conquête de l’espace, le totalitarisme, la globalisation, les débuts d’internet, et une foule d’autres phénomènes complètement nouveaux dans l’histoire. Le siècle a fait l’objet d’innombrables ouvrages, encyclopédies et séries-documentaires scrutant dans les moindres détails tous ces événements. Pourtant, les détails de la plus grande pandémie de l’histoire nous sont pratiquement inconnus.

On dit que la grippe espagnole de 1918-1920 a survécu dans les mémoires plus que dans la littérature. Du temps où les étudiants faisaient des recherches dans les bibliothèques (!), il y avait des pans de murs entier destinés aux guerres mondiales, des atlas illustrant les différentes batailles, des biographies de généraux. Sur la grippe espagnole? Peut-être un ou deux ouvrages?

Dans les ouvrages historiques, la pandémie est traitée comme un épilogue à la Grande Guerre. On raconte en détails comment la Première guerre mondiale a commencé, le système des alliances, les offensives et contre-offensives, l’horreur de la guerre des tranchées, etc. Tout ça est très excitant, très dynamique. Puis on ajoute, comme un post-scriptum: « Ah oui, après tout ce carnage, la grippe espagnole a tué entre 20 et 50 millions de personnes. Peut-être 100 millions, on n’est pas trop certain. En tout cas, pas mal de monde. »

C’est donc dire que a grippe espagnole a tué possiblement autant de gens que les deux guerres mondiales combinées, et pourtant on n’en connaît à peu près rien. Il me semble que ce serait pratique, aujourd’hui, de savoir ce qui a bien fonctionné et ce qui a moins bien fonctionné? C’est un peu ça le but de l’Histoire non, de tenter d’apprendre des erreurs et des bons coups de ceux qui nous ont précédé?

Il s’avère que l’étude de la grippe espagnole, que j’ai moi aussi boudé pendant mes années à l’université, révèle beaucoup d’information intéressante. Quelques simples recherches en ligne m’ont appris des détails captivants de cette pandémie:

  • La grippe a affecté le tiers de l’humanité. Le tiers…
  • Elle a tué autant de soldats américains que les combats de la Grande Guerre.
  • Pratiquement aucune partie de la planète n’y a échappé. La grippe a décimé des villages d’Inuits en entier. Les îles Samoa ont perdu un cinquième de leur population.
  • La grippe a d’abord frappé faiblement au printemps 1918 avant de faire l’essentiel de ses ravages à l’automne. Une troisième vague a été observée en 1919.
  • Lorsque la deuxième vague de grippe a frappé San Francisco, beaucoup refusèrent de porter le masque une seconde fois. Certains allèrent même jusqu’à créer le Anti-Mask League of San Francisco
  • On a donné le nom de grippe espagnole car l’Espagne, pays neutre pendant la guerre et non affecté par la censure qui visait à ne pas affecter le moral des populations. Comme l’Espagne était l’un des seuls à rapporter les détails horrifiques, les gens en sont venus à croire que la grippe était originaire de là. Même si on sait aujourd’hui que ce n’était pas probablement pas le cas.
  • Les Espagnols, quant à eux, l’ont appelé la grippe Française… La recherche d’un autre peuple à blâmer n’est un phénomène nouveau.
  • Aux États-Unis, on lit souvent sur la différence entre Philadelphie, qui a pris les mesures de confinement à la légère, et St-Louis, où le confinement était plus strict. Philadelphie a eu 8 fois plus de décès que St-Louis. Comme quoi les mesures de confinement fonctionnent.
  • Comme aujourd’hui, l’Australie a bien fait, en mettant rapidement en place des restrictions de quarantaine. La pays réussi à échapper au pire de la grippe jusqu’au début de l’année 1919, quand la maladie a atteint l’Océanie et a coûté la vie à plusieurs milliers d’Australiens.
  • Au Canada, la crise a mené à la fondation du ministère de la Santé, en 1919. La santé publique est alors devenue une responsabilité partagée par tous les ordres de gouvernement.
  • Les femmes de l’époque ont, comme aujourd’hui, joué un rôle de premier plan, que ce soit comme infirmières, téléphonistes ou bénévoles pour des organismes de bienfaisance.
  • Le masque n’était pas obligatoire au Québec, mais cracher par terre était passible d’une amende de 15$, l’équivalent d’une semaine de salaire.
  • Beaucoup de charlatans vantaient les mérites de remèdes miracles. (tiens tiens…)
  • Le taux de mortalité a été anormalement élevé chez les 20 à 40 ans (rien à voir avec la Covid, dans ce cas ).
  • La grippe s’est éventuellement transformée en grippe saisonnière, beaucoup moins virulente.

Parmi les victimes célèbres de la grippe il y a eu trois écrivains: Franz Kafka, Guillaume Apollinaire et Edmond Rostand.

Et pour finir, dans les faits les plus cocasses que j’ai pu glaner: Frederick Trump a été victime de la grippe espagnole. Oui, nul autre que le grand-père de Donald…

P.S.: Il a fait sa fortune avec des hôtels… ainsi qu’un bordel au Canada (oh misère…).

2 Comments

  1. Chip

    Good post mate.
    I wonder how much the carnage of WW1 impacted how the general public dealt with the Spanish Flu. Did everyone hoard toilet paper and blame some weird conspiracy or did people accept the situation and stoically get on with life based on previous years of hardship.

    With Covid19 we’ve seen irrational behaviour from the general public (toilet paper hoarding) and absolutely outrageous conspiracy theories (5G towers). Perhaps it’s because, as a society, we have grown soft and complacent. Anything that upsets our comfortable lives is such a shock to us.

    As you point out, there is a paucity of information on the Spanish Flu and we may never know how the average 1919 earthling handled the situation.

    1. Eric Sauve

      Hi Chip, as I wrote on Facebook this morning, it seems that hoarding was not uncommon 100 years ago, especially during WW1. I don’t think toilet paper was seen as an essential items in these days, however, Spanish Flu or not! The Vicks Vaporub was in short supply, most likely because because some charlatan said it was a cure for the disease. Could have been the sitting US president of the time, who knows… 🙂

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