Le poing levé, le regard plein de défi, le sang sur la joue, solidement entouré des agents des services secrets, avec le drapeau américain en arrière-plan. On dit qu’une image vaut mille mots: qu’on aime Trump ou non, cette photo transmet le portrait d’un leader fort, qui ne se laissera pas abattre, malgré l’adversité, malgré « l’état profond » (ses mots), malgré la violence même. Qu’est-ce que Trump peut vouloir de plus?
Un journaliste de CNN sur place a dit qu’il a entendu, quelques secondes après l’événement, un partisan de Trump s’écrier: « Trump vient juste d’être élu. C’est un martyr. » Je crois que cet électeur a vu juste.
L’homme a toujours été plus grand que nature. Et tout un showman. Pendant que les services secrets l’escortaient en bas de l’estrade, il a eu le génie de lever le poing en l’air et d’enjoindre ses adulateurs à se battre (« fight, fight!).
La convention républicaine débute demain et Trump sera accueilli en héros, en martyr même, car c’est ce qu’il recherche. C’est une image qu’il était en train de développer savamment depuis déjà plusieurs années. Trump prétend qu’il est là pour se battre pour les Américains. Pour quelle cause, ça c’est moins clair. Contre l’état profond (deep state)? Il faudrait au départ prouver qu’il existe. Pour les valeurs conservatrices? Ouais, peut-être. Pour les riches? Là je suis convaincu.
Son message de battant passe auprès d’une certaine tranche de l’électorat américain. Il est pugnace, il défie ses adversaires, il bouscule les codes de la politique par son langage franc et direct. Jusqu’à hier, il voulait nous faire croire qu’il était persécuté. Je dis bien « nous faire croire », parce que les accusations portées contre lui découlent de ses propres actes: abus de pouvoir et obstruction du congrès (première destitution) et incitation à l’insurrection (deuxième destitution). Sans compter le fait qu’il est depuis peu un criminel condamné.
Je lisais hier que Trump a toujours eu de la chance en politique. En plus de sa chance, il ne semble ressentir aucun remords pour ses gestes odieux et ses déclarations diffamatoires. Et c’est le candidat téflon par excellence; il a lui-même dit qu’il pourrait abattre un quidam sur la 5e avenue à New York et son taux de popularité ne baisserait pas. Au-delà de sa chance et du fait que l’Américain moyen ne lui tient pas rigueur de ses excès, il faut admettre que Trump est un génie pour l’auto-promotion.
Il a eu une chance inouïe hier — la balle lui a tout de même touché l’oreille! Il va dorénavant pouvoir affirmer qu’il est réellement un martyr américain.