Le 51e état? Jamais!

Trump n’est pas encore au pouvoir, mais cela fait des semaines qu’il nous provoque, nous les Canadiens. Son appel à faire du Canada le 51e État ne doit pas être pris à la légère. Trump cherche à légitimer un message qui devrait être rejeté sans équivoque, des deux côtés de la frontière. Il a prouvé par le passé qu’il est maître dans l’art d’amener des idées radicales au centre du débat public. L’ignorer serait une grave erreur. Il faut passer à l’offensive. 

Qu’a fait notre Premier ministre en réponse ? Il a publié une déclaration de deux minces lignes, des mois après le début des provocations. Un message qui n’a pas dû prendre plus de 35 secondes à rédiger. Où est le directeur des communications quand il faut limoger quelqu’un ? Notre PM et son bureau nous ont laissé tomber. Trump mène une guerre psychologique contre les Canadiens et notre gouvernement ne fait même pas l’effort de contrer son message. 

Appeler à notre annexion est une menace directe à notre souveraineté. Je crois savoir ce que signifie le mot souveraineté – je suis Québécois. En résumé, la souveraineté, c’est avoir le dernier mot. C’est un bien précieux qu’on n’abandonne pas à la légère. 

Je suis profondément frustré par le silence et l’inaction de nos dirigeants. Mais j’ai renoncé à espérer quoi que ce soit d’eux, tout comme ils semblent avoir renoncé à nous. Ce qui m’inquiète encore plus, cependant, ce sont les commentaires que je vois dans les médias traditionnels et sur les réseaux sociaux. Sur LinkedIn, en particulier, je vois de nombreux Canadiens peser le pour et le contre de l’annexion. C’est ahurissant. 

Je suis né dans une région du Québec et j’ai grandi dans une « soupe souverainiste » (une expression inventée par un ami). Beaucoup de gens de mon âge avaient, il n’y a pas si longtemps, des convictions indépendantistes. J’ai rejoint les Forces à 16 ans, et trois ans plus tard, lors du référendum, je n’ai pas voté en raison de défis techniques (j’étais stationné en Ontario) et d’un manque d’intérêt. Si j’avais pu voter plus facilement, j’aurais probablement soutenu le camp du Oui. 

Avec le temps, mon parcours m’a fait voir le Canada sous un autre jour. J’ai servi notre pays en Bosnie et en Afghanistan. J’ai porté notre drapeau avec fierté. J’ai travaillé dans plusieurs provinces et j’ai représenté le Canada à l’étranger. Petit à petit, j’ai appris à aimer ce pays. La plupart des Canadiens que je connais ne sont pas des patriotes ardents comparés à nos amis américains, mais ils sont fiers de qui nous sommes et de ce que nous représentons : une nation pacifique qui fait l’envie du monde entier. 

Lorsqu’ils prennent des décisions importantes, les Américains se tournent vers leurs pères fondateurs pour s’inspirer. Nos pères fondateurs se retourneraient sûrement dans leur tombe en entendant des individus comme Kevin O’Leary proposer, après seulement quelques semaines d’intimidation de la part d’un proto-dictateur, de devenir le négociateur en chef avec Washington. O’Leary qui a déjà tenté de diriger un parti fédéral, nous savons maintenant va sa loyauté. Vous êtes pire que les « collabos » en France qui travaillaient avec l’envahisseur ; eux le faisaient de façon réticente et seulement après que leur pays ait été physiquement envahi. Vous êtes une honte. 

Certains diront que l’idée d’annexion est ridicule et qu’il est inutile de s’en inquiéter. Mais Trump est imprévisible. Il pourrait très bien déclencher une guerre économique contre nous, et dans ce cas, le soutien à cette idée pourrait croître. Actuellement, 12 % des Canadiens sont favorables à devenir un État américain. Ce chiffre pourrait augmenter si notre économie vacillait sous la pression. J’aime à penser que nous nous unirions contre un ennemi commun, mais l’histoire pourrait me donner tort. 

Nos élus doivent riposter et s’opposer à ce tyran. Je crois avoir trouvé notre meilleur argument : rappeler à Trump que le 51e État aurait un nombre disproportionné de votes électoraux, qui iraient probablement massivement aux Démocrates. Les Républicains pourraient ne plus jamais revenir au pouvoir si cela se produisait. Pensez-y à deux fois avant de proposer un 51e état. 

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