J.D. Vance : De Never Trumper à fan fini

Quand j’étais petit, mes parents me disaient que seuls les fous ne changent jamais d’idée. Je ne vais donc pas critiquer J.D. Vance, le colistier de Trump, pour avoir retourné sa veste avec les années.

Il n’en demeure pas moins que la conversion a été spectaculaire. On pourrait pratiquement la comparer à l’illumination de Paul sur le chemin de Damas, dans la Bible. Vance est passé d’un extrême à l’autre. De Never Trumper, il est devenu le porte-parole par excellence de Trump.

Ce qui me fait penser que Vance, fondamentalement, n’est pas un Trumpiste, mais un simple opportuniste. Oui, il est probablement de centre droit, mais il n’était pas, jusqu’en 2016 du moins, un trumpiste, loin de là. Pour mieux le comprendre, il faut savoir ce qui l’a amené où il est aujourd’hui.

En 2016, à l’âge de 32 ans seulement, James David Vance a publié ses mémoires sous le titre Hillbilly Elegy: A Memoir of a Family and Culture in Crisis, un livre qui décrit son enfance et son adolescence dans une famille ouvrière appalachienne, en proie à la pauvreté, la toxicomanie et les bouleversements sociaux. Le livre est rapidement devenu un best-seller, d’autant plus qu’il offrait des clés pour comprendre l’Amérique profonde dans le contexte de l’élection de Trump.

Vance a aussi servi avec les Marines, ce qui, dit-il, lui a donné un sens de la mission, et il a été un venture capitalist en Californie, travaillant notamment pour Peter Thiel, un milliardaire de la technologie et ardent supporteur de Trump.

Vance n’était pas un fan de Trump de la première. Durant la campagne de Trump en 2016, il l’a tour à tour traité d’idiot, d’héroïne culturelle, et il a écrit qu’il craignait que Trump devienne le futur Hitler d’Amérique. Il s’est même déclaré un Never Trumper.

En 2021 Vance a annoncé sa candidature pour devenir sénateur de l’Ohio. C’est à partir de ce moment qu’il s’est aligné publiquement sur des valeurs très conservatrices et a recherché le soutien de Donald Trump pour sa campagne. Il a rapidement compris que le parti Républicain était devenu le parti de Trump et qu’il fallait baiser la main du parrain afin d’avoir une quelconque chance de se faire élire.

Selon ce que je peux lire, Vance s’intéresse réellement aux enjeux politiques et il se préoccupe du sort de ses concitoyens – contrairement à Trump, j’oserais ajouter. C’est donc dire qu’il y a un peu plus de trois ans, Vance était simplement un auteur et un commentateur conservateur: son ascension de sénateur à potentiel vice-président a été fulgurante. Sa « conversion » aussi. De critique de Trump il est devenu un de ses plus ardents défenseurs. Il est allé jusqu’à critiquer Mike Pence pour avoir refusé la demande de Trump de renverser les résultats du collège électorat lors de l’infâme 6 janvier 2021. Tout récemment, il a été l’un des premiers à dire que la rhétorique belliqueuse des démocrates était à blâmer pour l’attentat manqué sur Trump, ce qui est pour le moins paradoxal pour quelqu’un qui, en 2016, disait s’inquiéter que Trump devienne le Hitler d’Amérique.

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Au-delà de son image d’aveugle supporteur de Trump, Vance m’apparaît plutôt comme un intellectuel, de par ses succès académiques (il est diplômé de l’université d’État de l’Ohio et de la faculté de droit de Yale), son engagement dans les débats publics et ses nombreux écrits dans les médias.

Trump semble l’avoir choisi pour ses idées conservatrices, régulièrement exprimées dans les médias de droite, mais surtout pour sa loyauté indéfectible depuis qu’il est actif en politique. Il apporte aussi une image de jeunesse et pourrait devenir le successeur de Trump en 2028. Trump s’assure ainsi que son héritage politique va perdurer dans le temps.

J’ai espoir que Vance, un intellectuel, apporte un peu de bon sens dans un deuxième mandat de Trump. Qu’on apprécie ou non les positions de Vance, elles ont – généralement – le mérite d’être étudiées et réfléchies. Trump en aura bien besoin, compte tenu du chaos et des décisions à l’emporte-pièce qui caractérisaient sa première présidence.

Si Trump est élu, Vance peut s’attendre à devoir régulièrement piler sur son orgueil et à s’accommoder des sautes d’humeur, des frasques et des décisions impulsives de son boss. Survivra-t-il jusqu’en 2028? Difficile à dire, compte tenu que la majorité des membres du cercle rapproché de Trump se sont brûlés avec les années. Trump n’a de loyauté pour personne, seul son triomphe personnel compte. Bonne chance, J.D., tu vas en avoir besoin.

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