À ma maman, où que tu sois

Douze ans déjà que tu nous as quittés. Après ton diagnostic de cancer, en 2002, je ne crois pas que tu te doutais pouvoir passer un autre sept ans avec nous.

Ca t’as permis de voir 3 autres petits-enfants. Adélie, arrivée sur le tard, tu n’as malheureusement jamais pu la prendre dans tes bras.

Je me remémore souvent ta dernière année, celle qui aura été la plus difficile pour toi. Je montais régulièrement te voir en Gaspésie, prendre le relais de ta soeur qui prenait soin de toi. Ca n’a pas été une année facile, je la remercie encore d’avoir veillé sur toi comme un ange.

A l’été, on est descendus toute la famille pour te voir. Tu avais quitté ta maison pour le CLSC.

On a dîné avec toi à la cafétéria. Je trouvais que tu allais quand même bien. Au dessert, quand j’ai constaté que tu avais peine à porter le yogourt à ta bouche, je me disais en moi: « mais qu’est-ce qui se passe maman, toi qui as toujours été si forte? » J’étais quand même loin de me douter qu’on te voyait pour la dernière fois.

On s’est dit qu’on irait faire un tour à Percé puis qu’on repasserait dans 3-4 jours.

A Percé, on a visité le rocher, l’île Bonaventure et sa colonie de fous de Bassan. On a choisi un camping qui offrait une vue imprenable sur la mer. Quand je me suis couché, la batterie de mon téléphone était à plat.

Je me suis levé tôt et je suis allé à l’auto pour recharger le cellulaire. C’est là que j’ai vu que j’avais manqué 6 appels de ta soeur…

Avant même de l’appeler, je savais ce qu’elle allait me dire. Elle m’a confirmé que tu nous avait quitté pendant la nuit, doucement.

Je me suis assis à la table de pique-nique et j’ai regardé l’horizon. Les larmes sont venues, naturellement.

Me voilà orphelin, ai-je pensé. Pas orphelin comme Rémi qui parcourait l’Europe avec son St-Bernard dans les dessins animés. Orphelin, juste, comme, plus de parent.

En regardant l’île Bonaventure, je me suis mis à repenser aux bébés fous de Bassan qu’on avait vus la journée d’avant, lorsqu’ils quittent le nid sur la falaise. On dirait que les parents les poussent hors du nid avec leur bec. Ils se lancent dans le vide, ils sont clairement effrayés mais aussi excités par la sensation de voler de leurs propres ailes.

J’éprouvais les mêmes sentiments. J’étais triste, mais en même temps j’avais aussi un vague sentiment de légèreté, de liberté. Je n’avais plus d’attache. C’est triste, évidemment, mais en même temps c’est en larguant les amarres qu’on prend le large. Je n’ai pas osé en parler à personne pendant longtemps, par honte peut-être. En même temps, je me dis qu’on ne contrôle pas les émotions qu’on ressent.

J’étais tout mêlé dans mes émotions quand Corinne est sortie de la roulotte. Elle m’a vue assis à la table de pique-nique et on n’a pas eu besoin d’échanger un mot pour qu’elle comprenne ce qui venait de se passer.

On a repris la route vers Matapédia. Pendant le trajet, Corinne appelait la famille pour leur annoncer la nouvelle. Quand elle parlait à son père, celui-ci a dit: « passe-moi Eric ».

Il avait perdu sa mère peu de temps auparavant, et je n’étais pas certain si j’étais prêt pour une autre bouffée d’émotions. J’ai pris le téléphone, j’avais la gorge trop nouée pour même dire « allô ». Il a seulement dit: « Ça fait mal de perdre sa maman. »

Les larmes sont reparties de plus belle. Tellement, cette fois-ci, que j’avais la vision embrouillée au point que Corinne s’est mise à s’inquiéter pour ma capacité de conduire sur la 132. Ca m’aurait pris des essuie-glaces sous les paupières.

Que mon beau-père me dise simplement: je comprends ta peine, ça m’a fait énormément de bien. Il n’a pas eu besoin de m’écouter, il n’a pas non plus tenté de me consoler. Il m’a seulement dit: je suis passé par là et je comprends ta souffrance.

Oui, ça a fait mal de te perdre, maman. Je t’aime, et je suis reconnaissant pour tout ce que tu as fais pour moi. Je regrette seulement de ne pas avoir su mieux te l’exprimer quand tu étais avec nous.

***

Chérissez vos mamans, tandis qu’elles sont encore là.

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