Ma crise de la quarantaine (partie 1 – le choc)

J’écris ce texte de mon bunker, c’est-à-dire le sous-sol de ma maison, où je vis seul depuis plus d’une semaine. Mon épouse et mes 4 enfants sont en haut. Mon chien et mon chat aussi.

Ce sera mon journal de la quarantaine.

J’écris, pas parce que j’ai quelque chose de nouveau/inédit/grandiose à dire, non. J’écris simplement parce que :

1- J’ai du temps – jamais eu autant de temps, en fait!
2- J’ai toujours aimé écrire.
3- C’est thérapeutique – je vous encourage à l’essayer!

La semaine dernière, donc, j’étais en Belgique et je donnais de l’instruction à des membres de l’OTAN. Il y avait des militaires de partout en Europe : de la Roumanie, de la Hongrie, des Pays-Bas. Il y avait même un Italien, et on le taquinait en lui disant que personne ne voudrait se mettre en équipe avec lui ou lui serrer la main à la fin du cours. On se trouvait bien drôles.

Jeudi le 12 mars était la dernière journée de classe, je rentrais à Gatineau le lendemain. En me levant, j’ai appris, coup sur coup, que:

1- Trump allait bloquer les vols provenant d’Europe dès le lendemain soir (quoi?)
2- La NBA venait d’annuler sa saison (re-quoi??)
3- Tom Hanks et son épouse avaient le coronavirus (???)

Soudainement, le virus de Wuhan venait d’entrer dans ma vie. Ce lointain virus, qui commençait à faire des ravages jusque-là insoupçonnés dans le nord de l’Italie, venait d’entrer dans nos vies.

Moi qui m’intéresse déjà beaucoup à l’actualité, je me suis mis à lire tout ce que je pouvais sur la Covid-19. Les symptômes, le taux de mortalité, les courbes de progression, les risques encourus à l’aéroport, dans l’avion. Et la grande question pour mon voyage de retour : masque, ou pas masque? L’OMS disait que le masque ne servait à rien, je n’en ai pas mis.

A ce moment-ci, certains pensent peut-être que je vais annoncer que j’ai la Covid-19… Jusqu’à preuve du contraire, non. Et je n’ai pas de symptôme non plus, donc je ne peux être testé. Je touche du bois et je reste confiant.

Je poursuis donc… Dans mes recherches, je me suis évidemment renseigné sur ce que je devais faire. François Legault – dont j’admire le travail durant cette crise – vient de décréter que les gens revenant d’Europe sont encouragés à se mettre en isolement volontaire pour 14 jours.

Ça veut dire quoi, un isolement volontaire? Et pensez-vous que ça me tentait, en revoyant ma famille, d’aller m’isoler au sous-sol?

Et pourtant, c’est ce que j’ai fait.

J’arrive donc à la maison vendredi après-midi, seul mon deuxième gars est présent. Comme je ne peux rien toucher, je lui demande de m’installer un coin à moi au sous-sol. Il me prépare un lit, m’apporte un précieux branchement pour mon iPhone, tout ce qu’il me faut pour survivre donc!

Et je m’installe pour débuter ma quarantaine.

Au début, les directives sur l’isolement étaient contradictoires. De plus, j’avais envie de sortir, et je l’ai fait un peu. Mais à force de me renseigner, j’ai vite compris que quand on dit isolement, on veut dire isolement!

Je suis donc isolé du reste du monde. Comme tout le monde, finalement.

Ça se passe relativement bien, somme toute. Je monte voir la famille de temps en temps, confiant que plus le temps avance, moins je risque d’avoir chopé le virus et de le transmettre à mes proches. Mon épouse travaille et la garderie est fermée, alors mes ados se relaient pour garder la plus jeune.

C’est notre nouvelle réalité.

C’est fou comment le monde a changé, en l’espace de quelques jours. La dernière fois où j’ai ressenti un tel changement, c’était le 11 septembre 2001. Il y a un avant 9/11 et un après 9/11. On dira la même chose du coronavirus. Le monde ne sera plus pareil.

Je m’arrête ici, pour cette première entrée du journal. On pourrait tergiverser pendant des jours sur les changements profonds qui prennent lentement racine dans nos sociétés. Je n’ai pas la prétention de lire l’avenir, mais je suis convaincu qu’il y aura un avant et un après.

Je suis aussi convaincu que la race humaine possède la résilience nécessaire pour faire face au défi qui nous attend.

Bonne quarantaine, et prenez soin de vous.

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