Quitter l’armée : la difficile transition vers la vie civile

Quand j’avais 29 ans, j’ai acquis mon premier véhicule récréatif, ou RV. Je ne connaissais rien du RVing, alors j’ai aussi acheté « The Complete Idiot’s Guide to RVing« . Ce livre m’a été d’une aide inestimable. Le dernier chapitre parlait des nomades à plein temps (les full-timers), ceux qui laissent tout derrière eux pour voyager à longueur d’année dans leurs RV. Je me souviens exactement pourquoi, selon le livre, la plupart des full-timers finissent par rentrer à la maison: le manque de but dans la vie.

À ce stade, vous devez vous demander en quoi cela concerne ma transition de l’armée à la vie civile? La réponse est qu’il est important d’avoir un but dans la vie, de donner du sens à sa vie. Pour la plupart d’entre nous, simplement profiter des bonnes choses de la vie ne suffit pas, nous avons besoin d’un but. L’armée m’a donné cela. J’avais le sentiment que je travaillais pour un bien plus grand. J’avais le sentiment de servir.

Quand j’ai quitté l’armée après 22 ans de service, ma femme et moi avons décidé de partir pour un an autour du monde avec nos trois enfants. Nous avons tous beaucoup apprécié cette expérience unique en son genre et, après notre retour au Canada, les enfants sont retournés à l’école et ma femme au travail. Pour ma part j’ai décidé de prendre un peu de temps avant de choisir quelle serait ma deuxième carrière. J’avais rejoint l’armée à 16 ans et l’armée était tout ce que j’avais connu pendant ma vie d’adulte.

Les premières semaines à la maison étaient agréables. Puis, j’ai commencé à ressentir des émotions difficiles : j’étais facilement irrité et je perdais mon calme pour aucune raison particulière. Un matin, après avoir envoyé les enfants à l’école, je suis allé à la boîte aux lettres avec le chien. En rentrant chez moi, j’ai réalisé que je n’avais rien à faire jusqu’à ce que les enfants rentrent en fin d’après-midi.

Je pensais que ma mauvaise humeur était due au fait que, pour la première fois de ma vie, je ne rapportais pas d’argent à la famille. Mais j’ai réalisé que ce n’était pas mon manque de revenus qui me rendait mal à l’aise, c’était le manque de but dans la vie qui me tourmentait. Quel était mon but ? Être sur la route pendant un an m’avait donné un but, mais là je n’avais même pas 40 ans et je passais toute la journée seul à la maison pendant que mes amis étaient tous au travail, beaucoup d’entre eux encore au service du pays.

J’ai finalement trouvé un travail et le sentiment de vide a progressivement disparu. Je me trompais cependant en pensant que j’avais accompli une transition complète vers la vie civile. Il avait fallu à l’armée quelques années pour faire de moi un soldat, il faudrait quelques années pour refaire de moi un civil à part entière.

En 2022, j’ai souffert d’une dépression majeure qui n’était pas directement reliée à mon temps sous les drapeaux. L’émotion la plus difficile que j’ai vécue pendant ces 22 mois de désespoir était ce sentiment de ne pas pouvoir « faire mon travail ». Je ne parle pas de mon emploi civil à l’époque, mais de mon travail de militaire. Huit ans après ma retraite, je pensais toujours que mon but principal dans la vie était de servir.

L’armée m’a donné un but. Ce sentiment me manque cruellement, encore aujourd’hui. Je m’ennuie particulièrement du sentiment de camaraderie, d’être un « frère d’armes ». Je sais que cela peut sembler cliché, mais c’est ce que ressentent la plupart des militaires : ils sont des frères et des sœurs d’armes.

La plupart des gens ne se mettent pas en danger juste pour gagner de l’argent. Ceux qui ont rejoint l’armée et y sont restés suffisamment longtemps l’ont fait parce que l’armée leur donnait un sentiment de service, d’accomplissement, d’aventure. Surtout, elle leur donnait un but dans la vie.

Avoir un but vous fait sortir du lit chaque jour ; il remplit votre journée et vous permet de dormir paisiblement la nuit. Tout comme ces full-timers, j’ai réalisé que le but n’est pas seulement important, il est essentiel pour nous tous.

4 Comments

  1. Eric Belanger

    Tout à fait Eric, mon transfert à la vie civile s’est bien passé car le jour où j’ai quitté je commençais un autre service à la population. Ce nouvel emploi m’a permis de me sentir valorisé encore plus que dans l’armée et d’avoir un but depuis maintenant 18 ans.
    À la retraite, ce sera sûrement un mélange de profiter de la vie en voyageant, donner un coup de main à mes proches et pê des projets humanitaire.
    Merci pour tes réflexions et ton partage d’expériences.

    1. Éric Sauvé

      On jasera de tes projets humanitaires à la retraite, j’y songe aussi. Peut-être combiner des voyages avec des projets, ce serait vraiment super. Ça va donner un sens à nos vies.

  2. Sébastien Hébert

    Ton article me fait bien réfléchir je t’avoue. Même si on entend parler de transition difficile lors de notre processus de libération, et que l’on se prépare a cette transition, il est très difficile d’anticiper comment ont va la réellement la vivre.

    1. Éric Sauvé

      Merci de ton commentaire Sébastien. Eh oui, la transition est plus laborieuse qu’on l’imaginait.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *